Le corps de la Passion
Expériences religieuses et politiques d'une mystique au Liban
À Beyrouth, dans son appartement transformé en « église de maison », une mystique maronite appelée Catherine Fahmi incarne la Vierge et le Christ, et délivre des messages divins. Ce faisant, elle s'engage dans une expérience extrême comme si, par son corps, elle cherchait à transcender un ordre social et religieux dans lequel la femme demeure subalterne. Tous les mardis, et chaque Vendredi saint, entourée par de nombreux fidèles, elle impose son corps comme la scène d'une rencontre privilégiée entre les humains et le ciel, comme un lieu où Dieu et les saints parlent, bien plus encore, comme l'espace d'une possible régénération de la nation libanaise et de l'Église.
Représentative d'un phénomène social, Catherine appartient à un réseau de mystiques chrétiennes qui a pris forme au début des années 1980, entre le Liban et la Syrie. À travers ce personnage singulier, Emma Aubin-Boltanski explore un faisceau d'enjeux politico-religieux : la problématique des chrétiens d'Orient, le thème de la mystique féminine et de ses contre-conduites face à l'institution ecclésiale, l'articulation entre eschatologies individuelle et collective et, enfin, la place et le rôle des images de dévotion dans l'expérience mystique.