Où se raconte le jongleur et son langage gestuel...
Une quête de douze années, peuplée de balles,
à la découverte d'une nouvelle matière :
le psychojonglage.
«... Carabella revint, portant un grand nombre de balles de couleur
en caoutchouc avec lesquelles elle jonglait rapidement en traversant
la cour. Lorsqu'elle arriva à la hauteur de Valentin et de Sleet, elle
lança sans s'interrompre une des balles à Valentin et trois à Sleet.
Elle en garda trois pour elle.
Pas de couteaux ? demanda Valentin.
C'est du tape-à-l'oeil, répondit Sleet. Aujourd'hui nous étudions les
principes fondamentaux. Nous étudions la philosophie de notre art.
Les couteaux risqueraient de nous distraire.
La philosophie ?
T'imagines-tu que la jonglerie n'est qu'une suite de tours, demanda
le petit homme d'un air offensé, une distraction pour les
badauds, un moyen de ramasser quelques couronnes dans un carnaval
de province ? C'est tout cela, c'est vrai, mais c'est avant tout un
art de vivre, ami, un credo, une forme de culte.
Et un genre de poésie, dit Carabella.
Oui, cela aussi, fit Sleet avec un hochement de tête approbateur. Et
une mathématique. Elle nous enseigne le calme, le contrôle de soi, l'équilibre,
le sens de la position des choses et la structure profonde du
mouvement. Une harmonie silencieuse s'y attache. Mais par-dessus
tout, il y a une discipline. Ai-je l'air prétentieux en disant cela ?...»