Dernière oeuvre de Mallarmé, Un coup de dés jamais n'abolira le
hasard est un «recommencement» de la poésie : le vers, le poème et le
livre sont d'un seul geste remis en jeu.
Comment Mallarmé, poète profondément attaché à la tradition versifiée,
a-t-il pu se porter aussi loin dans le sens des avant-gardes ? La réponse passe
par une analyse des rapports complexes entre la «crise de vers» dont il
prend conscience, la théorie du vers qu'il reformule et le regard qu'il porte
sur les tentatives contemporaines. Convaincu de l'échec du vers-librisme,
Mallarmé reconstruit le vers à partir du livre ; il le dispose sur l'espace articulé
de la double page, réorganise la syntaxe par groupements et périodes,
transforme en intervention critique le miroitement de l'allégorie. À un
ordre fondé sur la fiction du Nombre il prend le risque de substituer une
invention «hors d'anciens calculs» se déployant sur l'horizon d'un hasard
indépassable.
C'est à la compréhension d'un tel projet et à la description du genre
entièrement nouveau de poésie versifiée qui en résulte qu'est consacré ce livre.