Emile Gaboriau (1832-1873)
"Le 9 juillet 186., un jeudi, Jean Bertaud, dit La Ripaille, et son fils, bien connus à Orcival pour vivre de braconnage et de maraude, se levèrent sur les trois heures du matin, avec le jour, pour aller à la pêche.
Chargés de leurs agrès, ils descendirent ce chemin charmant, ombragé d’acacias, qu’on aperçoit de la station d’Évry, et qui conduit du bourg d’Orcival à la Seine.
Ils se rendaient à leur bateau amarré d’ordinaire à une cinquantaine de mètres en amont du pont de fil de fer, le long d’une prairie joignant Valfeuillu, la belle propriété du comte de Trémorel.
Arrivés au bord de la rivière, ils se débarrassèrent de leurs engins de pêche, et Jean La Ripaille entra dans le bateau pour vider l’eau qu’il contenait.
Pendant que d’une main exercée il maniait l’écope, il s’aperçut qu’un des tolets de la vieille embarcation, usé par la rame, était sur le point de se rompre.
– Philippe, cria-t-il à son fils, occupé à démêler un épervier dont un garde-pêche eût trouvé les mailles trop serrées, Philippe, tâche donc de m’avoir un bout de bois pour refaire notre tolet.
– On y va, répondit Philippe.
Il n’y avait pas un arbre dans la prairie. Le jeune homme se dirigea donc vers le parc de Valfeuillu, distant de quelques pas seulement, et, peu soucieux de l’article 391 du Code pénal, il franchit le large fossé qui entoure la propriété de M. de Trémorel. Il se proposait de couper une branche à l’un des vieux saules qui, à cet endroit, trempent au fil de l’eau leurs branches éplorées.
Il avait à peine tiré son couteau de sa poche, tout en promenant autour de lui le regard inquiet du maraudeur, qu’il poussa un cri étouffé."
Deux braconniers découvrent le cadavre de la comtesse de Trémorel ; elle a été assassinée... Très vite un coupable est désigné et arrêté. Mais est-ce bien lui le meurtrier ? Et qu'est devenu le comte de Trémorel dont on a retrouvé des effets ensanglantés ? La préfecture de police dépêche sur les lieux le célèbre agent de la sûreté : M. Lecoq...