Raoul Wallenberg, diplomate suédois, a, au péril de sa vie, sauvé de l'extermination nazie des dizaines de milliers de Juifs de Budapest. À l'entrée de l'Armée rouge dans la ville, il a été convoqué par les autorités soviétiques et il a disparu. Personne ne sait ce qu'il est devenu.
Interdit de sortir d'URSS et de publier ses textes russes, Guennadi Aïgui (1934-2006), l'une des plus grandes voix contemporaines de la poésie russe, avait traduit en langue tchouvache (sa langue maternelle) une anthologie de la poésie hongroise accueillie en Hongrie avec enthousiasme.
En 1988, des écrivains hongrois ont invité Aïgui à faire son premier voyage à l'étranger sur les traces des poètes qu'il avait traduits.
L'extraordinaire monument à Wallenberg par Imre Varga venait alors d'être inauguré : il figure Wallenberg debout entre deux murs de roche, la main droite tendue et baissée vers l'avant, dans un geste de protection et d'apaisement.
Ainsi est né ce Dernier Départ, comme un cycle de deuil et de douceur : le deuil du génocide juif, le deuil de Wallenberg lui-même, réunissant les deux horreurs, hitlérienne et stalinienne, qui ont dominé le vingtième siècle, et douceur infinie de l'attention à l'autre, du sauvetage, au prix même de la mort.