Le 7 mai 1995, avec l'élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, s'est ouvert le dernier septennat de notre histoire républicaine. Celui-ci s'est achevé le 5 mai 2002 par une réélection hors des normes, pour cinq ans. Le passage a plus qu'une dimension symbolique. Pendant ces sept années, des évolutions majeures se sont produites, puisant leurs sources au plus profond de notre histoire politique nationale. Insensiblement, sans vraiment s'en apercevoir, la France a changé de régime. D'éminents observateurs l'ont certes pressenti, puisque, ici ou là, déjà, l'on évoque volontiers une VIe République qui aurait jeté ses premières fondations. Mais lesquelles ? A-t-on pour autant, réellement, substitué un régime à un autre ?
Le dernier septennat est un nouveau témoignage de cette incapacité de la France à créer un pouvoir qui dure. Au fond, à travers les moments paroxystiques de son histoire, elle a connu une révolution inachevée, qui s'est traduite, pour elle, par de multiples crises pseudo-révolutionnaires. Le dernier septennat a traversé, en l'espace de quelques années, trois de ces fausses révolutions :
- un essai de révolution conservatrice qui a échoué faute d'un programme vraiment mûri : le gouvernement Juppé (1995-1997) ;
- un coup d'Etat inconscient - la dissolution (1997) suivie d'une nouvelle cohabitation, plus longue et castratrice, qui a cassé définitivement le pouvoir présidentiel dans sa version gaullienne : ce livre apporte des éclairages précis sur la mécanique de cet événement majeur ;
- une révolution passive, par défaut : le gouvernement par une majorité «plurielle» qui laisse le système existant se décomposer au milieu d'un monde en complète mutation, sans prendre d'initiative réelle (1997-2002).
Pourtant, les conditions d'une renaissance peuvent être identifiées, qui exigent une réforme profonde de l'Etat et de la société. Car il est urgent de reconquérir durablement des libertés politiques qui supposent l'autorité pleine et entière d'une démocratie assumée - c'est-à-dire dotée d'un vrai gouvernement, et non de son apparence.