La Renaissance fut-elle vraiment " l'âge du dialogue " ? La forme dialoguée répartissant le discours entre deux personnages ou plus serait-elle l'instrument d'une nouvelle ouverture à l'Autre ? Telles sont les questions auxquelles les travaux d'Eva Kushner s'efforcent de répondre. En France et en Europe, l'omniprésence de la forme discursive ne fait pas de doute. Certes, le dialogue pratique avant tout l'imitation de ses trois grands modèles antiques : Platon, Cicéron et Lucien de Samosate. Mais il s’astreint également à l’adaptation des formes statiques de la dispute médiévale ou des colloques scolaires, avec un mode d'argumentation s’appropriant la divergence. Dans ce sens, il reflète la fragmentation courante de l'autorité non sans pour autant manifester la subjectivité des auteurs. La mimésis, qui met en scène des personnages identifiables et s’exprimant avec animation, le plus souvent en langues vernaculaires, permet aux auteurs d'offrir aux lecteurs une image vivante de leur société, tout en favorisant la persuasion, le dialogue ne cessant jamais tout à fait d'être un instrument rhétorique. En France, un des moments majeurs de l'histoire du dialogue est la décennie inaugurée en 1550, quand il se produit autour de la Pléiade un " dialogue de dialogues " établissant en fait une Pléiade philosophique.