Le Dit de la fleur de lis, intitulé Roman de la fleur de lis par son précédent éditeur, relate une vision advenue à l'auteur dans la nuit de la Toussaint 1338: Une vision vueil noncier Qui, en dormant, m'avint l'autrier, A la Toussains, a mie nuit, L’an mil .CCCXXXVIII. A l’abbaÿe de Chaalis, Qui fondee est du roy Louys (v. 3-8). Le poème relate la conception et la réalisation par Grace Dieu, Sapience et Raison d’un signe fait d’étoffes, destiné à honorer le roi de France.
Le Dit de la fleur de lis est un texte complexe. S’il se prête à des lectures très différentes (politique, symbolique, héraldique, linguistique et littéraire), aucune n’est pertinente si elle fait abstraction des autres. Ainsi le discours politique est-il contraint par le lis héraldique à allégoriser. Le Dit se signale autant par l’élaboration doctrinale d’une proprietas regis que par l’invention littéraire et l’admirable maestria avec laquelle Guillaume construit un signe allégorique et en suggère de multiples interprétations. Le lis, résultat d’une addition de signes, n’a ici n’a plus rien à voir avec les interprétations précédentes, qui se contentaient de donner une valeur symbolique à chaque feuille ou à chaque fleur. Mais l’originalité du poème est aussi narrative, puisque les allégories créatrices du signe partent du concept pour construire le signe. Par cet élégant procédé, Guillaume met en scène son travail d’écrivain et double le message politique d’une réflexion sémiotique.
Incontestablement, le Dit de la fleur de lis a trop longtemps été négligé. La faute tenait autant au texte insatisfaisant imprimé par Arthur Piaget qu’à l’absence complète d’annotation et de contextualisation. Comme les deux témoins subsistants livrent chacun un texte largement corrompu, le présent volume propose à titre d’hypothèse une édition critique reconstructionniste associée à la transcription synoptique des deux manuscrits.