Par une étude ethnographique des usages sociaux de l'écrit dans la région cotonnière du Mali, ce livre analyse les dynamiques d'alphabétisation au sens large, allant au-delà des filières de formation pour étudier la place de l'écrit dans les activités les plus quotidiennes. La pluralité des contextes où l'on apprend à lire et à écrire (alphabétisation pour adultes et filières scolaires) et des langues de l'écrit (français, bambara, arabe) façonne des profils de lettrés divers. L'ouvrage s'intéresse tout particulièrement aux effets de la dynamique d'alphabétisation impulsée par les interventions liées au développement à partir des années 1970. L'analyse minutieuse des trajectoires de formation à l'échelle d'un village permet d'approcher les modalités d'inscription de l'écriture dans l'espace social. L'étude des pratiques de lecture, d'écriture et de compte, et des significations qui y sont attachées, amène à identifier comme domaine d'écriture privilégié l'espace personnel. En scrutant les façons de désigner et de délimiter cet espace « à soi », l'ouvrage démontre que l'écriture est un facteur essentiel dans la redéfinition des contours du public et du privé, et rapporte ces processus aux transformations socio-économiques en cours. À partir d'un ancrage comparatiste, ce livre propose de dépasser le questionnement classique autour du partage oralité/écriture, et contribue au domaine émergent des travaux sur l'écriture sur les terrains africains. Il ouvre des perspectives plus générales sur le rapport à soi et la subjectivité dans l'Afrique contemporaine.