Vers la fin de l'été 1958, en revenant de l'expo, mon père sauta ma mère et provoqua un des événements majeurs de mon existence : ma conception.
Il s'était saoulé avec de la vodka-menthe et, s'il faut en croire ma mère, ne fit pas montre cette nuit-là d'une grande délicatesse. Mais faut-il croire ma mère ? A défaut d'autres témoignages directs à propos de cet acte fondateur - mon père s'est toujours refusé à toute déclaration à ce sujet - je pense qu'il ne se souvient plus - la version « prise d'assaut par mari en état d'ébriété suite à l'absorption de fortes doses de vodka-menthe » devint et reste à cette nuit la version officielle. Que cette histoire soit vraie ou fausse ne change pas grand-chose : si elle est vraie, c'est bien sordide et je ne vois pas la réelle nécessité de la connaître. Ma mère n'a pourtant pas attendu que je la questionne pour se délecter à nous conter ce triste épisode de son existence mélodramatique.
Si l'histoire est fausse, c'est la perversité qui prend le pas sur l'impudeur...
Ce qui me chiffonne dans ce récit, c'est la vodka-menthe. Je n'ai jamais vu, sur la carte d'aucun bar, américain ou non, hôtel de luxe ou bistrot poisseux, figurer l'annonce écrite qui m'aurait exorcisé : vodka-menthe.
Vodka-orange, vodka-citron, vodka-bison, bloody-Mary... Mary !, vodka-coca, vodka du diable, on the rocks, vodka tout court, vodka vodka vodka...
Mais pas vodka-menthe.
Eric Durnez écrit depuis toujours. Et dans de multiples directions. Mais les hasards de la vie lui ont surtout permis, depuis près de quinze ans, de se faire connaître et reconnaître en tant que dramaturge.
Pourtant, avec les Contes à réchauffer, on avait déjà pu découvrir combien il pouvait s'aventurer avec succès sur d'autres chemins littéraires, à la frontière entre l'absurde et le surréalisme.
En dévoilant Le fils de la vodka-menthe, un court roman écrit entre 1995 et 1999, avec de longues périodes d'interruption, l'auteur évoque le temps où il vivait encore en Belgique... Avec un décalage qu'il assume complètement puisque, si la plupart des événements relatés sont exacts, le regard qu'il porte sur eux et sur son histoire familiale - plutôt désastreuse selon ses propres dires - a aujourd'hui profondément changé.
Childéric est plus récent. Ce soliloque a été écrit un beau jour d'été 2005, dans son jardin gascon de Gaudonville. Il faisait chaud et lumineux ; il s'est lancé le défi d'écrire une seule phrase, alambiquée, labyrinthique, dans une écriture quasi automatique inspirée par les dérives de sa pensée, comme en roue libre, laissant remonter souvenirs et interrogations... Il s'avoue étonné de l'intérêt que les premiers lecteurs ont manifesté pour cette longue logorrhée d'un genre littéraire incertain.