Comment nommer la beauté autrement qu'en lui imaginant
un lieu qui échappe au reflet, à l'apparence, à la langue,
au récit - pour dire : à toute forme de représentation ? Un lieu
proprement inscrutable, car enfoui en son mystère, comme
au fond d'un pli inaccessible au sein de l'infini froissement du
monde.
Ainsi la beauté se laisse soupçonner autant qu'elle nous
invente. Nous pensons connaître toutes les ruses pour la traquer
et, à cette fin, nous menons au mieux les glorieux combats
de l'art pour la débusquer et la révéler au jour. Mais c'est
chaque fois peine perdue : elle nous échappe au moment même
où nous croyions nous parfaire dans son évidence. Et l'alerte
passée, il ne nous reste plus que le vain orgueil de pouvoir
enfin la surprendre «en son miracle» et de l'y retenir, nous
qui toujours demeurons dans la crainte de sa défaillance - qui
est l'autre nom de sa lumière.
G. T.-C.