Quand le conteur se tait, il aime ses mots, il
aime son rêve, et le rêve de ses mots. Quand il se
tait, le silence raconte l'invisible, le temps devient
une étoile. Mais quand le conteur parle, la nuit se
vêt de sortilèges, la forêt se peuple de légendes,
l'oiseau s'élève au-dessus de son chant, au-dessus de
son vol. Quand le conteur parle, la vie se raconte
infiniment.
Chacun écoute dans le secret de ses propres fantômes.
Chacun perçoit l'ailleurs qui est en lui, cet
ailleurs que la lumière voile et que la nuit démasque,
ce no man's land de toutes les insomnies.
"La réalité est dans le cri du silence, autant que
dans le silence des mots" avait dit un nomade, au
croisement de deux pistes. Et le conteur libère toute
réalité. Il transfigure le songe, lui donne corps et
merveilles, en fait un présent plus réel qu'une
offrande, de telle sorte que la nuit devient jour, et
que le jour se coule dans une éternité.