Le passé que ce livre veut interroger ne dort pas seulement dans les archives, mais continue à vivre en nous, ordonnant nos manières d'être et notre affectivité. Dans l'héritage qui pèse sur nos pratiques familiales, André Burguière a choisi d'étudier le domaine le plus intime, inépuisable sujet de films, de romans, de scandales... : les liens de parenté, et notamment le couple, et les logiques inconscientes qui fondent sa singularité.
Ces deux registres de l'univers familial obéissent à des temporalités très différentes : la parenté s'enracine dans la longue histoire des croyances, justifiant l'affiliation dont les usages domestiques ou les règles successorales constituent, par leur caractère prescriptif, la partie émergée. Le couple, lui, fut façonné par les pressions tantôt convergentes, tantôt concurrentes de l'Église et de l'État : ainsi, en France, comme dans une grande partie de l'Europe, dès le XVIe siècle, on a voulu enfermer la sexualité dans la sphère conjugale. Cette entreprise de normalisation morale et de reconquête religieuse, appuyée essentiellement sur la cellule conjugale, a conduit le couple à des rapports plus sentimentaux et à plus d'intimité. Entre quant-à-soi, -autocontrainte et mentalité prospective, ce climat psychologique nouveau allait favoriser très tôt une vision restreinte de la famille qui perdure de nos jours.