«Le Musée imaginaire d'Hannah Arendt : le titre est à entendre en un sens large, comme la
métaphore des oeuvres littéraires, picturales, musicales qui ont nourri le vocabulaire de sa
sensibilité et de son intelligence. Les commentateurs d'Arendt ont remarqué, souligné la
présence de la littérature dans son oeuvre - moins, mais il est vrai qu'elles sont plus
discrètes, celles de la peinture ou de la musique. Cependant, personne, jusqu'à présent,
n'était entré dans son oeuvre exclusivement par cette voie. J'ai choisi de l'emprunter afin
de comprendre pourquoi elle s'était ainsi volontiers tournée vers les écrivains et les artistes.
Quelle est la spécificité de l'approche littéraire et artistique du réel ? À quoi les moyens de
l'art doivent-ils d'être, comme elle le déclare, sans rivaux pour raconter la vie de quelqu'un
ou dire ce qui s'est passé ? Au terme de l'enquête, la réponse s'impose : l'art est seul, pour
Arendt, adéquat à l'étoffe dans laquelle l'existence humaine est taillée. Le fondement de
son parti pris artistique est ontologique. Et il n'est pas sans lien avec son expérience du
XXe siècle, de l'épreuve et de l'examen des totalitarismes. Ces régimes qui se sont donné pour
fin d'humilier et de nier le réel dans ses traits essentiels, de dérober à l'homme son humanité.
Toutefois, je n'ai pas voulu simplement ajouter une nouvelle contribution aux études
arendtiennes mais tenter de refonder, par le prisme d'une personnalité singulière, notre
propre besoin des Humanités concurrencées, aujourd'hui, comme au temps d'Arendt, par
les sciences humaines et sociales.»