«Le nez de Cléopâtre : s'il eût été plus court, toute la face de la terre
aurait changé.» Cette "pensée" de Pascal, bien connue, sert à étayer la
thèse selon laquelle les faits historiques dériveraient de causes fortuites
et aléatoires : si Cléopâtre n'avait pas été aussi belle, Antoine aurait
gardé sa clairvoyance, aurait vaincu à Actium (31 avant J.-C.), et «la face
de la terre aurait changé». Semblable conception de l'histoire, pourtant,
n'est pas unanimement partagée : certains pensent, en effet, que l'issue
de la bataille d'Actium, ou de n'importe quel affrontement majeur, n'a
pas dépendu du comportement privé d'un homme, mais bien de lois
supérieures qui règlent le déroulement des choses et où les humains
n'entrent pour rien. Ces deux conceptions de l'histoire s'affrontent depuis
la Renaissance, dans un débat retracé ici, qui tourne autour des mêmes
questions essentielles : l'histoire est-elle le domaine du contingent et de
l'irrationnel, ou le lieu du sens ? Les événements du passé devaient-ils
arriver ou sont-ils advenus par hasard ? Faut-il en chercher les causes
dans des principes indépendants de l'action des hommes et de leur libre-arbitre
? Le futur, voire la fin de l'histoire, sont-ils écrits ? L'humanité
a-t-elle un Destin ? Historien lui-même (Port-Royal), Sainte-Beuve est
maintes fois revenu sur ces questions : on ne pouvait donc trouver, dans
ce parcours, meilleur guide que lui.
Enfin, Michel Brix nous invite également à un surprenant voyage dans
la littérature - non seulement française, mais aussi européenne.