Pendant de nombreuses années, une bonne partie de l'intelligentsia
occidentale - en France surtout - s'enflamma pour l'utopie maoïste.
Jusqu'au jour où une voix isolée, celle de Simon Leys, clama son
indignation : témoin de la réalité atroce de la «Révolution culturelle»,
ce brillant sinologue sortit de sa réserve pour en dénoncer le caractère
totalitaire et meurtrier. D'abord accueillis par la calomnie, les essais sur
la Chine de Simon Leys se sont bientôt imposés comme des références
par leur clairvoyance et l'élégance de leur style satirique.
Puis on a découvert la subtilité de ce lettré cosmopolite vivant en compagnie
de Confucius ou Cervantès, Tchekhov ou Stendhal, Conrad ou
Chesterton, Orwell ou Lu Xun, et tant d'autres encore. Qu'il s'agisse de
littérature, de peinture, de la mer, des îles, mais aussi du bon (et mauvais)
goût, du succès, du jargon, de la paresse, de l'imagination, de la beauté, de
la vérité, du catholicisme : Simon Leys, de son exil australien, savait comme
nul autre nous instruire et nous enchanter, nous faire rêver et méditer.
Cet essai montre comment la lecture de Simon Leys (1935-2014) a été
et reste un parapluie unique contre la folie des idéologies, la sottise et l'esprit
de sérieux. Pourquoi ce rebelle aux modes a-t-il été traité avec un incroyable
mépris ? Quel a été le parcours intellectuel de ce grand «interprète-traducteur»
de la civilisation chinoise ? Et pourquoi son oeuvre a-t-elle
une coloration si singulière et attachante ?