Dans cet ouvrage collectif, nous voulons proposer une nouvelle manière d'analyser
la question coloniale et les héritages contemporains postcoloniaux en Mauritanie,
en prêtant une attention spéciale aux cadres comparatifs et interdisciplinaires. Notre
ouvrage propose une analyse à partir d'une distinction entre les questions de méthode
(Première partie) et les interprétations des données d'histoire et d'anthropologie
(Deuxième partie). L'horizon temporel couvre le XIXe siècle, le XXe siècle et le début
du XXIe siècle.
Les contributions sont le fait de chercheurs qui travaillent sur la Mauritanie depuis
les années 1980 (Mc Dougall), et les années 1990 (Acloque, Bhrane, Cleaveland,
El Bara, López Bargados, Taylor et Villasante Cervello). Nous comptons aussi avec
la participation de deux collègues africanistes, Christopher Harrison et (feu) James
Searing.
Les reconstructions historiques du passé et les examens du présent, se fondent
sur des sources d'archives, sur des entretiens et sur des analyses des discours, des
idéologies et des stratégies politiques utilisées par les administrateurs coloniaux, puis
re-appropriées et manipulées par les administrateurs et par les populations locaux.
Le passé colonial mauritanien a laissé des héritages nombreux dans la société et
dans l'ordre politique, mais également dans les manières de concevoir et d'écrire
l'histoire. Une certaine influence orientaliste, au sens d'Edward Said, centrée sur la
seule société arabophone bidân, au détriment des communautés noires du pays
[halpular'en, soninké, wolof, mandé], a prédominé dans les études mauritaniennes. Et
l'on peut dire également que l'histoire saharienne s'est développée au détriment de
l'histoire sahélienne du pays. Les diverses communautés bidân et noires de la société
mauritanienne, restent ainsi encore mal connues et peu étudiées. Enfin, les idéologies
ethnicistes et/ou les propagandes officielles sur l'esclavage local [officiellement disparu]
et sur les violences ethniques des années 1980-90 remplacent souvent l'analyse
distancée des faits.
Nous espérons que cet ouvrage collectif pourra apporter des idées novatrices
et stimuler la recherche, notamment chez les jeunes chercheurs. Le passé historique
colonial reste un territoire sujet à des inventions et à des re-créations idéologiques,
souvent à des fins de politique politicienne. Dans ce processus de connaissance et
d'appréhension du passé colonial et du présent postcolonial, notre rôle en tant que
chercheurs et en tant que citoyens est crucial dans la mesure où notre production
académique participe directement dans la construction des savoirs sur l'histoire
mauritanienne.