Le pays qui vient de loin.
Le vieux, tu sais, il était un peu givré. En plus, quand
il se marrait, on pensait à une sorte d'outrage irréparable. Un rire saccagé. Coléreux et
déconcertant. Comme on dit, il avait des défauts qui valaient largement ses qualités.
Samuel, le vieux, vient de mourir. C'est le moment que son petit-fils, Jérémie, dix-huit
ans, a choisi pour quitter sa mère et venir vivre dans ces Alpes-de-Haute-Provence
âpres et grandioses où il a passé les toutes premières et plus belles années de sa vie.
Au lieu de son grand-père, il retrouve un père dans la ferme familiale, arrivé pour les
funérailles, dont il avait été séparé depuis longtemps.
André Bucher, avec sa langue rocailleuse et sonore, dit les retrouvailles difficiles,
mêlées de ressentiment et d'amour, de deux hommes que réunit la dépouille de
Samuel, dont ils doivent honorer la mémoire et terminer le travail. Père et fils vont
s'apprivoiser mutuellement autour du noble ouvrage du patriarche, la coupe du bois.
L'auteur parvient à faire resurgir, dans ce lieu magique et imprégné de présences
païennes, un passé essentiel pour des personnages en quête d'identité : à la fin du
récit, Daniel et Jérémie auront reconstruit, autour de la figure centrale du grand-père,
leur propre rapport au monde. Ils auront découvert aussi, ensemble, que leurs
véritables racines plongent dans leurs enfances et dans l'amour profond qu'ils
vouent à la nature sauvage.
Voici un livre bouleversant de sincérité qui traite sans fausse pudeur ni sentimentalisme
des relations filiales. Un hymne aux grands espaces, pour des personnages en proie
à l'aventure intérieure et qui affrontent leurs démons en un huis-clos fascinant.