De Stendhal à Zola, le roman réaliste est le roman-feuilleton de la société démocratique engendrée par la Révolution française. Lui-même genre démocratique, il fait entendre le pluralisme des discours libéraux, socialistes, chrétiens, républicains, monarchistes... Cette prose est politique : elle ne représente pas le réel, elle questionne les discours de son temps sur le réel. De tonalité satirique, le roman manifeste une démocratie désenchantée en mal de valeurs, alors qu'après 1830 triomphe un libéralisme bourgeois de plus en plus oublieux de l'idéal des Lumières au point de rallier le darwinisme social bientôt théorisé par Herbert Spencer. À travers le destin des personnages, depuis le jeune homme cherchant sa place jusqu'aux comparses figurant les invisibles de la société, la fiction réaliste pointe les pathologies d'une démocratie qui n'arrive pas à faire cohabiter la liberté, l'égalité et la fraternité. Tocqueville explorait les possibles de la démocratie, les romanciers en repèrent les ratés. Balzac, Stendhal, Flaubert, Hugo, Zola portent ces interrogations dans des récits qui débordent leurs opinions contrastées d'individus en une pensée romanesque qui ré- sonne fortement dans notre monde d'aujourd'hui.