Et si le rire cachait sous son habit de clown une arme
fétiche avec laquelle il abat les unes après les autres les
idoles de la société ? Qui rirait encore des forfaits de cet
auguste justicier quand chacun sait qu'à tout moment il
peut être sa prochaine victime ? Cette enquête
philosophique qui part du constat selon lequel le rire
souffre d'un déficit de visibilité dans la peinture, se
charge d'une double finalité. La première : saisir et
comprendre les raisons de cette discrétion remarquable
du rire dans l'art du portrait. La seconde : définir
l'essence du rire, ce qui nécessite de mettre de côté certaines
idées reçues le concernant, et notamment celles
qui négligent son caractère attentatoire et limitent sa
fonction à un pur divertissement médiatique.
Au centre de cette double perspective se trouve
évidemment la question du sujet, celle du moi qui est à
la fois la cible du rire et celle du portrait. Or, en
chahutant le moi, le rire ne lui ôte-t-il pas ipso facto
l'ensemble de ses prétentions, y compris picturales ? Et
que dire du sourire dont l'analyse révèle une fatigue
d'être fatalement inconciliable avec sa duplication artistique
? Bref ne concourent-ils pas tous deux à révéler la
facticité du portrait comme du désir qui l'origine, tel
Narcisse ? Sous son habit de clown le rire cache un
rêve : oeuvrer à plus de sociabilité et de liberté. Ce qui
justifie entièrement qu'il utilise son pistolet et qu'il
frappe là où ça fait mal, qu'il châtie impitoyablement les
défauts humains qui font obstacle à son idéal d'égalité
et de justice.