Parce qu'elles ont toutes deux subi décolonisations et indépendances, l'Afrique et l'Amérique latine sont profondément marquées par les dictatures modernes et les régimes autocratiques. Cette parenté tragique dans l'Histoire donne naissance à une catégorie romanesque parfaitement identifiable, le roman du dictateur, et invite à considérer plus étroitement la densité de ce dialogue transatlantique. S'engager et dire le monde : voilà ce à quoi aspirent ces romans modernes, par-delà l'Atlantique. Leur inscription dans le monde s'exprime par une volonté commune d'en transcrire les enjeux, aussi bien linguistiques qu'identitaires, au-delà de la seule perspective satirique qui les réduirait à des romans à thèse. Le combat poétique de cette constellation transatlantique intègre la multiplicité là où la dictature cherche l'unicité, interroge l'autorité, à commencer par celle de l'auteur, là où la tyrannie impose sa violence arbitraire, dit les mémoires plurielles et le scandale là où l'Histoire cherche à noyer ses crimes dans le silence et l'oubli. Mais y a-t-il un prix à payer pour avoir porté le cri du monde ?