Le roman en France a suivi, au XXe siècle, un cours singulier.
Très tôt, des romanciers ont contesté le fondement du
grand roman européen du XIXe siècle : l'illusion de réalité,
obtenue à l'aide d'un récit plus ou moins chronologique,
serait la pierre de touche de la fiction.
Virginia Woolf et Joyce s'étaient déjà opposés à cette tradition,
avant eux. Mais, en France, la contestation fut, à
chaque génération, l'affaire de plusieurs. Explorant l'envers
du roman mimétique, ils forment rétrospectivement un véritable
courant, avec sa logique, sa progression, son rythme,
ses phases d'accélération (les années vingt puis les années
cinquante), et cette autre particularité d'avoir voulu rejeter
dans le passé le roman à personnages et à histoire, d'avoir
semblé un moment en voie d'y parvenir, avant que la vague
ne finisse par refluer.
C'est ce courant critique novateur que suit ici Henri Godard,
moins pour en écrire l'histoire que pour dégager ce qu'il
nous apprend sur le roman lui-même.