Elles sont blacks dans un monde de Blancs, femmes
dans un monde qui demeure régenté par les hommes
quelle que soit la couleur de leur peau. Originaires de
la Jamaïque, Nicola, Alexandrea et Jeanette sont installées
à Londres où elles partagent un appartement...
et l'angoisse secrète, laminante, de ne pas parvenir à
inventer leur destin. C'est par la voix de Mavis, la mère
de Jeanette, qu'on découvre la planète Caraïbes, le
lieu originel que chacune doit se réapproprier pour en
liquider les sortilèges et affronter enfin les démons
intérieurs comme les agressions du dehors.
De ce quatuor dont les personnalités divergent mais
que leurs liens, choisis ou aléatoires, constituent en une
véritable tribu, Leone Ross donne une image très forte
et qui suscite une immédiate empathie. Pour Nicola,
la prometteuse comédienne, qui veut faire son chemin
dans le monde des Blancs. Pour Alexandrea, la brillante
journaliste doutant d'elle-même au point de se victimiser
sans cesse. Pour Jeanette, l'étudiante en psychologie,
que sa liberté d'esprit et de moeurs condamnera à subir
la double humiliation du viol et du reniement par les
siens. Et pour Mavis, enfin, dont le douloureux parcours,
progressivement dévoilé, jette sur la condition des
femmes, partout et en tous lieux, la plus inquiétante
des lumières...
Tantôt lyrique, tantôt dramatique, sensuelle toujours,
l'écriture de Leone Ross excelle à capturer jusque
dans leurs tréfonds les émotions en leur conférant une
présence qui les rend presque palpables. Très accompli,
ce premier roman aborde avec une profondeur et
une sensibilité hors du commun des peurs et des problèmes
qui n'ont pas de couleur.