La figure du silence est un élément prépondérant
du cinéma d'Ozu. Au contraire
de la perception superficielle du silence
en termes de manque ou d'absence, il
faut le considérer ici comme «plein»,
saturé de sons, de sens et de possibles.
On s'aperçoit alors que le cinéma d'Ozu
en fait un usage unique, polyphonique,
lui conférant une extrême densité et
appelant la vigilance du spectateur. Avec
ce renversement de perspective, on
s'écarte des interprétations culturalistes
de l'oeuvre du cinéaste japonais, qui en
méconnaissent l'étrangeté fondamentale
et la limitent à un univers japonais
«traditionnel» ou «exotique», de
même que des définitions de son style
par la négative (absence de mouvements
de caméra, de variété d'angles,
d'intrigue) qui le confinent dans une
vision austère, faussement classique,
minimaliste. Cette étude tente, tout au
contraire, de montrer la richesse,
la vitalité, l'audace et la modernité du
cinéma d'Ozu.