Bergson a marqué l'importance de certains de ses «essais et conférences»
en les rassemblant dans deux recueils : L'énergie spirituelle
en 1919, La pensée et le mouvant en 1934. Il faut donc tout à la fois
replacer ces écrits dans ses recueils (et dans l'ensemble de son oeuvre)
et les lire pour eux-mêmes. Dans «Le souvenir du présent et la fausse
reconnaissance», paru en 1908 et largement retouché en 1919, Bergson
est sans doute le premier à formuler cette question tout à fait inhabituelle
: quand est-ce que le souvenir se forme ? Faut-il attendre que la
perception ait disparu pour que naisse le souvenir ? Nous voici de
plain-pied devant le problème du mode d'existence du souvenir, en tant
qu'il diffère par nature de la perception tout en lui étant contemporain.
Le concept de «souvenir du présent» renvoie à la différence entre virtuel
et actuel, et finalement à l'énigme d'un passé qui ne passe pas, qui se
conserve intégralement «en soi», et dont le présent n'est que le degré
le plus contracté.
Le présent volume s'inscrit dans l'édition critique des oeuvres de
Bergson, et en reprend le double principe : offrir d'abord le texte intégral
de l'essai tel qu'il apparaît dans le recueil publié par Bergson ; le
compléter ensuite par un dossier qui comprend ici une introduction
spécifique, de nombreuses notes historiques et philosophiques, ainsi
que les variantes éventuelles du texte, une série originale d'index, une
anthologie des «lectures» majeures, et une bibliographie.