"Le soleil blafard se lève péniblement derrière les collines escarpées.
Là-bas, sur Tauroentum, les lourds nuages de l’orage s’éloignent, irisés par les premières lueurs de l’astre.
La mer est d’huile.
Plus un souffle d’air, pas la moindre brise pour pousser cette barque sans voile ni rame perdue au milieu des eaux désormais calmées.
Mare Nostrum...
Une frêle silhouette se tient debout, à la proue de ce navire à la dérive.
L’homme, vêtu d’une simple toge, le visage émacié, regarde s’éloigner la famille de dauphins qui les a accompagnés tout au long de leur périple, depuis leur départ de Césarée, il y a déjà trois mois.
Ses compagnons de voyage, épuisés par cette errance, se sont regroupés à l’arrière de l’embarcation, protégés du froid par une simple toile de lin usée et maculée. Une douce mélopée s’élève. Le clair clapotis de l’eau sur la coque l’accompagne. Quelques mouettes surprises par cette apparition viennent tournoyer autour de cet équipage curieux.
Un corps se déplie lentement de dessous la toile, et apparaît une femme d’une grande beauté, le visage pur, les traits sereins. Son enfant se tient à ses côtés, blond comme les blés, ses yeux bleus reflètent toute la générosité du monde. Le jeune garçon assis en tailleur souffle délicatement dans ce pipeau de bois sculpté par les mains expertes de quelque charpentier talentueux. L’homme, le visage tourné vers le ciel, lève ses bras en croix et fait exploser un cri.
– Ta gueule, Manu !
– Ho ! Joseph ! Tu les as à l’envers, ce matin ? C’est la flûte à son père !"