Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'action culturelle de la Compagnie de
Jésus s'appuie, un peu partout en Europe, sur une représentation
nouvelle de la ville où la circulation des inscriptions, des livres,
des informations, des savoirs tient désormais le premier
rôle. La cité ne se définit plus simplement comme un repère fixe
dans une conception aristotélicienne, mais s'affirme comme un
noeud d'échange dans un réseau animé par des flux. Pour naturaliser
la présence de l'Ordre, tardivement arrivé dans le paysage
urbain de la modernité, les jésuites vont se présenter comme
un corps d'experts auprès des corps de ville, capables par leur
maîtrise de l'écrit et des sciences, de donner un contenu, une
solidité et une unité à la fonction culturelle des cités où ils sont
implantés. La construction du consensus ne repose donc pas
sur un rapport de force institutionnel ou sur une hypothétique
demande sociale, elle s'enracine dans de nouvelles pratiques de
communication qui font des auteurs et professeurs des porte-parole
de l'intellectualité des grandes métropoles catholiques, et
du collège un haut lieu de la culture urbaine.
En rouvrant le dossier classique des jésuites dans la ville, ce
livre souhaite saisir, par une approche combinatoire et pragmatique,
la façon dont s'élabore dans l'interaction et se dissout au
milieu du XVIIIe siècle une économie chrétienne des grandeurs
urbaines.