Edward Gordon Craig auteur dramatique ? On a peine à le croire,
tant la réputation du metteur en scène anglais s'est construite sur
son utopie d'un théâtre visuel, de pur mouvement dans l'espace,
dont la parole serait bannie. Pourtant, pendant la Première Guerre
mondiale, alors que son école d'acteurs à Florence vient d'être
fermée, il imagine un cycle de 365 pièces pour marionnettes qui
serait joué par un théâtre ambulant ; lorsqu'il renonce à son projet,
au début des années vingt, une cinquantaine de textes ont été soit
achevés soit seulement esquissés, qu'il ne cessera de reprendre pour
les corriger ou les compléter pendant près de quarante ans.
Combinant parfois dans une même pièce manipulation à fils
et à gaine, ombres et silhouettes, jouant de toutes les ressources
du théâtre dans le théâtre et des scènes simultanées, ces textes
comiques et satiriques, presque entièrement inédits (seuls une
demi-douzaine d'entre eux ont été publiés, dans des tirages
confidentiels, du vivant de l'auteur), nous révèlent un aspect
méconnu de l'oeuvre de Craig. Mais ils nous confirment aussi le
caractère visionnaire de celle-ci, tant l'inventivité dramaturgique
dont il fait preuve se révèle d'une modernité étonnante.