Jean Vilar cristallise un paradoxe : il représente une figure du passé et
incarne tout à la fois l'expression d'une vérité présente, puisque l'on constate la
résurgence des questions qu'il nous a léguées. L'expérience réussie de
démocratisation de la culture qu'il a menée au TNP possède une valeur
d'exemplarité en raison d'une triple innovation : l'affirmation d'un théâtre,
service public, l'invention du public comme catégorie d'action et l'élaboration
d'une série de dispositifs de mise en relation des spectateurs avec le théâtre.
Trois révolutions dont les spectateurs d'aujourd'hui lui sont encore redevables.
Avec le TNP de Vilar, l'incroyable est devenu pensable pour des milliers
d'individus. Impensable en 1945, le théâtre devenait envisageable pour un
ouvrier ou une secrétaire en 1951. Les succès populaires de Vilar ont aussi
rendu légitime ce qui était jusqu'alors considéré comme illégitime :
l'intervention publique en matière artistique. Enfin, ses innovations ont rendu
possible ce qu'on croyait impossible : la rencontre réussie, effective, avec un
large public.
Ce livre retrace la genèse du TNP de Vilar, présente les révolutions qu'il a
opérées en rompant avec le code bourgeois de la sortie au théâtre, analyse
l'impact des innovations institutionnelles qu'il a forgées et mises en place durant
ses douze années de direction du TNP, de 1951 à 1963.
En écho aux débats parfois violents que le TNP a suscités autour de l'idée de
théâtre populaire et soulevant la question des effets émancipateurs de la
culture, ce livre montre que la réalisation de l'idéal de démocratisation de la
culture est possible et s'attache à en comprendre les conditions de possibilité.