La fourmillère belge
Densément peuplée, structurellement déficitaire en produits agricoles de première nécessité et intrinsèquement libre-échangiste, la petite Belgique ne semblait guère armée pour supporter une nouvelle occupation puis une longue sortie de guerre marquées par la chute brutale voire la quasi disparition de ses vitaux approvisionnements extérieurs. Pourtant, elle survit au joug allemand et parvient à relancer dès la fin de la guerre sa production industrielle et ses exportations. Ce « miracle belge » doit être questionné alors que la majorité de la population continue à être soumise à un rationnement alimentaire jusqu’au mois de décembre 1948.
Un « miracle économique » ?
Depuis la Libération, la Belgique organise une « économie de disette » qui s’est épanouie sous l’occupation. Au même titre que la défense d’un « franc fort », la restauration des « forces de travail » est un corollaire indispensable à la reprise de l’activité économique mais aussi au maintien de l’ordre établi et à la normalisation politique. En temps de pénurie alimentaire mondiale, le choix assumé par une Belgique solvable – et ses élites dirigeantes qu’elles soient politiques, économiques ou syndicales – d’une « politique d’abondance » de l’offre alimentaire aux dépens d’une planification des investissements se démarque des choix opérés par la France, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne impécunieux.
16 années de privations et de disette
À vrai dire, les succès et les échecs de la politique alimentaire ne peuvent être étudiés et compris qu’en convoquant les crises alimentaires précédentes dont les acteurs en présence ont su tirer les enseignements. Ces expériences successives rappellent une fois encore la singularité de la Belgique qui fut la seule à connaître en Europe occidentale – avec le Grand-Duché de Luxembourg – deux occupations marquées par un blocus allié et des prédations allemandes massives grâce à un marché noir florissant. Entre 1914 et 1948, une Belgique au ventre creux aura donc connu neuf années de sous-alimentation sous une occupation étrangère – et le temps de la libération – et près de sept années « années maigres » d’après-guerre.