Dans la cabine du camion, il faisait chaud. L'homme n'a pas posé de questions. Il m'a donné du café qu'il avait dans une bouteille thermos.
L'averse a passé et le ciel allumé ses étoiles. L'homme a dit qu'il coupait les phares pour mieux les voir.
Je lui ai demandé quelle était sa destination.
- La Grande Ourse.
- La Grande Ourse. C'était sa réponse et je savais qu'il ne mentait pas. Il m'a précisé qu'il me déposerait au bord du ciel.
- Quand je suis tout seul, je chante, je chante à tue-tête.
J'ai voulu savoir ce qu'il chantait mais il ne m'a pas répondu. J'ai fini par m'endormir, bercé par le ronronnement du moteur.
A l'aube, l'homme m'a réveillé.
- Je dois vous laisser. Il y a une jolie petite ville pas loin d'ici.
Je lui ai demandé si nous étions arrivés au bord du ciel.
- J'y suis arrivé. Mais je crois que votre bord du ciel à vous, il est encore très loin.
Je suis descendu et j'ai regardé le camion partir. Je l'ai regardé jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Le doyen de l'humanité, la fille la plus bête du monde, le pilote de la Grande Ourse... Les voyages forment la jeunesse.
Quelqu'un respire. Cela fait peu de bruit. Pourtant l'homme l'entend. Il s'arrête et commence à parler. Il raconte son voyage, un voyage entrepris encore adolescent parce qu'un copain lui avait reproché d'être « trop limité ».
Ce périple improvisé va le mener de rencontres en rencontres. Sur sa route hasardeuse, il croisera un vieil homme, une grosse femme, un routier, une jeune fille, un aubergiste, un homme qui attend son bus, un pilier de comptoir, un enfant... Ces humains, à première vue d'une grande banalité, vont lui révéler des visages inattendus.
Au bout du compte, de retour dans son village, la plus surprenante des rencontres sera sans doute celle qu'il aura faite avec lui-même...
Souvent joyeux, parfois grinçant ou inquiétant, ce voyage intraordinaire regorge d'aventures et d'épreuves de force... intérieure.