Quoi de commun entre l'éloge d'Hélène de Troie, prouesse sophistique de
Gorgias, et l'apologie de l'inconstance par Dom Juan sur la scène de Molière ?
Leur thème, bien sûr, et leur ton ; mais surtout le fonds rhétorique trop oublié
dans lequel ils plongent leurs racines et d'où ils tirent leur suc : celui de «l'éloge
paradoxal». La mémoire s'en est perdue ; et cette disparition nous empêche
de comprendre la parenté secrète qui unit et féconde nombre des grandes
entreprises de la pensée et de l'écriture anciennes.
L'ouvrage part à la recherche de ce continent englouti. Il engage le pari de relire
dans cette optique l'éloge de Socrate par Platon, du parasite par Lucien, de la
Folie par Érasme, du pantagruélion par Rabelais, de l'inscience par Montaigne,
des jésuites par Pascal ou du tabac par Sganarelle, et bien d'autres encore, moins
célèbres mais non moins savoureux, incisifs ou profonds. Il propose ainsi une
vue cavalière sur l'évolution du genre entre la naissance antique de l'éloquence
normée et le crépuscule de l'empire oratoire dans la France du XVIIe siècle.