L'Émotion et la raison
L'Afrique face à la justice internationale
Adossée à des rapports de puissance que la pratique du Conseil de sécurité de l'ONU et celle du Procureur ont confirmés, la justice pénale internationale incarnée par la CPI pourrait n'être que l'avatar judiciarisé d'un droit discriminatoire et injuste, la perpétuation apprêtée de la volonté de domination des puissants de ce monde. Cette justice tendrait au demeurant à faire litière d'exigences d'ordre symbolique dont la négation éclate dans la distanciation dont son exercice est empreint. Dans une large mesure, les critiques que les Etats africains lui ont adressées se justifient ainsi.
Mais le constat n'exonère pas les contempteurs de cette justice. Les logiques bipolaires et simplificatrices trouvent alors leurs limites, comme les critiques africaines elles-mêmes trouvent les leurs. Dans ce débat, les États ne sont pas figés dans un statut donné, notamment celui de victimes. Ils adoptent des rôles et des postures opportunistes, ajustent leurs attitudes à leurs intérêts circonstanciels. Tour à tour conservateurs et révolutionnaires, patriciens et plébéiens, rentiers et victimes, ils jouent sur divers registres et un syncrétisme gouverne leur comportement : syncrétisme du pulsionnel et du rationnel, de l'intuitif et du discursif, de l'émotion et de la raison.