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Il est d’usage, aujourd’hui, de distinguer un bon libéralisme politique et culturel – qui se situerait « à gauche » – d’un mauvais libéralisme économique, qui se situerait « à droite ». En reconstituant la genèse complexe de cette tradition philosophique, Jean-Claude Michéa montre qu’en réalité, nous avons essentiellement affaire à deux versions parallèles et complémentaires du même projet historique : celui de sortir des terribles guerres civiles idéologiques des XVIe et XVIIe siècles, tout en évitant simultanément la solution absolutiste proposée par Hobbes. Ce projet pacificateur a évidemment un prix : il faudra désormais renoncer à toute définition philosophique de la « vie bonne » et se résigner à l’idée que la politique est simplement l’art négatif de définir « la moins mauvaise société possible ». C’est cette volonté d’exclure méthodiquement de l’espace public toute référence à l’idée de morale (ou de décence) commune – supposée conduire à un « ordre moral » totalitaire ou au retour des guerres de religion – qui fonde en dernière instance l’unité du projet libéral, par-delà la diversité de ses formes, de gauche comme de droite. Tel est le principe de cet « empire du moindre mal», dans lequel nous sommes tenus de vivre.