Au début du XVIIIe siècle, dans l'espace qu'on appelle déjà « Suisse romande », une culture littéraire spécifique commence à se développer. Le temps des Lumières verra s'amplifier et se consolider ce mouvement qui nous a légué un patrimoine imprimé et manuscrit d'une très grande richesse.
Ces productions qui résultent de conditionnements particuliers - géophysiques, politiques, confessionnels, anthropologiques, rhétoriques, épistémologiques, moraux - sont généralement éclipsées par les chefs-d'oeuvre de Rousseau, d'Isabelle de Charrière ou de Germaine de Staël ; mais leur étude s'avère profitable, car elle permet de mettre au jour la constitution de cette culture littéraire qui, propre à une contrée à la fois très dépendante et très éloignée de la métropole française, finira par se cristalliser dans une forme de conscience nationale.
Plutôt que de célébrer les propriétés de cette culture, ce livre propose de remonter aux sources de notre imaginaire en examinant la formation d'une mythologie qui continue de nourrir, par les images, les figures et les croyances qu'elle a fixées, un sentiment de singularité helvétique dont on mesure encore de nos jours, pour le meilleur et pour le pire, le pouvoir de séduction.