Le frère : Invisible. C'est juste
une ligne ligne invisible. Juste
dessinée pas pour de vrai.
Juste sur les cartes juste
dessinée. Pourquoi alors si
difficile de traverser ?
Pourquoi alors si difficile de
partir partir ? Et revenir c'est
encore pire.
Sans te retourner qu'elle m'a
dit elle la fille cette nuit cette
nuit-là. "Si tu te retournes si tu
regardes derrière derrière tu
hésiteras et il ne faut pas."
"Sans te retourner" qu'elle a
dit elle la fille. "Tout droit là-bas
sans hésiter." Ce que j'ai
fait. Cette nuit nuit-là.
Marché droit sans hésiter sans
me retourner vers la forêt de
l'autre côté. Là-bas de l'autre
côté j'ai disparu. Et dans mon
dos je la sentais elle la fille qui
me regardait. Même la moitié
c'est trop de sang qu'on a
pareil, je le sentais. Là-bas là-bas
de l'autre côté de la
frontière.
Je pensais que c'était une ligne
invisible invisible juste une
ligne à enjamber juste un pas à
faire et que j'y étais de l'autre
côté. Ce n'est même pas vrai.
"Terre à personne" qu'ils
appellent ça. Ni ici ni là-bas ni
là-bas ni ici. "Terre à
personne" tout ça. Tout ça. La
maison la barrière les rails
l'arbre ce n'est pas ici pas là-bas.
"Terre à personne" qu'ils
appellent ça.
Nous sommes de nulle part.
Ils sont trois. Une femme, un
homme jeune, un homme plus
âgé. La femme, on l'appelera La
fille. Le premier homme sera Le
frère, le second Le père.
On les appellera ainsi, même si
les rapports entre ces trois-là ne
peuvent être uniquement des
rapports de famille.
Peut-être même qu'il n'y a aucun
lien de parenté entre ces trois-là.
Peut-être que c'est de tout autre
chose qu'il s'agit ici...