Vingt années les séparaient, et en vérité tout un monde. D'un côté l'agrégé de lettres Pompidou, l'apôtre de la France heureuse et du progrès tranquille, l'Auvergnat proche du terroir et des gens ; de l'autre de Gaulle le militaire, le chef, distant et solitaire, épris de grandeur et d'histoire, plaçant toujours la France au-dessus des Français.
Ce cliché ne suffit pas à expliquer pourquoi ces deux hommes, si différents, ont semblé tant s'entendre et se comprendre, cheminant de conserve et partageant largement, dans l'exercice de leurs fonctions, une vision commune de la politique, de l'État et de la France, avant de connaître, pour finir, les effets d'un surprenant désamour soldé par Mai 68, l'affaire Markovic et le référendum perdu d'avril 1969.
C'est le mystère de cette relation d'un quart de siècle qui est entièrement revisité ici. De son éclairage dépend la bonne compréhension de la crise démocratique que traverse notre pays. Car la vraie fracture, en réalité, n'est-elle pas postpompidolienne ? Ce sont les générations politiques qui ont suivi, notamment celles qui se réclamaient encore du gaullisme, qui ont perdu le sens originel de la puissance exécutive dans sa plénitude, fait dévier les institutions de leur ligne initiale, perdu les codes du régime, conduit enfin notre démocratie dans l'impasse où elle semble désormais égarée.