Leo Strauss, foi et raison
Leo Strauss (1899-1973) est au coeur de l'actualité philosophique et politique. Très présent aujourd'hui, il répond à notre adversaire principal, non pas le libéralisme, mais le nihilisme, et aux entreprises tyranniques qui ont partie liée avec le fanatisme religieux. Sa méditation constante des rapports entre foi et raison le conduit au décentrement de la cité de la raison (Athènes) pour la cité de la Loi (Jérusalem), et à un travail de construction de l'universel par le dialogue incessant des deux Antiquités, grecque et biblique.
Contre l'historicisme et le relativisme de la diversité des cultures, Leo Strauss refuse toute pertinence au vocable de « culture », qui fait écran à la compréhension de notre monde. Il récuse la fable d'une coexistence pacifique des cultures entre elles et, tout aussi bien, l'hypothèse noire de leur guerre inéluctable. Ce qui peut seul nous garder contre de tels égarements, c'est l'écoute universelle et à jamais des alternatives des différentes traditions avec la reconnaissance de leur fonds commun : la notion de Loi, transcendante et organisatrice de la vie partagée. Paradoxalement, la réflexion infinie, intime à chacun, du « dialogue inconcilié » entre foi et raison, qui traverse toutes les traditions, représente la réponse et la riposte décisives.
Contre toute l'histoire des idées, la méditation de Leo Strauss s'appuie sur un art secret d'écrire, formulé à l'époque médiévale, dont Strauss retrouve la trace dans toute pensée en acte. Cet art ne représente pas seulement le caractère politique d'une stratégie de protection du sage envers la tyrannie de l'État ou de toute société en général. Il est le raisonnement même de l'écriture chiffrée de la Loi et la mise en oeuvre d'une ontologie discrète, qui fait corps avec l'essence de la vérité.
Le discours interrogatif de Leo Strauss sur la conformité de la foi et de la raison révoque l'opposition entre philosophie et théologie, et inscrit cet auteur dans la grande tradition des penseurs.