Les correspondances sont des objets littéraires flous. Incapables d'assigner une essence stable à ce genre hybride, les théories de l'épistolaire qui se sont succédé ont essayé de le circonscrire dans des territoires clos : le mondain, l'intime, l'autobiographique... Les correspondances dont il est question ici ébranlent ces paradigmes réducteurs. Elles montrent que la lettre a été au XIXe siècle le médium de prédilection de ce qu'on appellera ici une pensée nomade - pensée de soi, de la cité ou de la littérature. Invitation à l'écriture de soi comme à l'essai ou au débat théorique, la lettre, qui croise l'espace littéraire sans jamais s'y fondre, a également contribué à repenser la notion même de littérature.
Pour les écrivains épistoliers ici envisagés - Mme Roland, Stendhal, George Sand... -, l'entretien épistolaire a été un passeport ouvrant à d'infinis pérégrinations intellectuelles. Bousculant les usages ordinaires de la correspondance, ils en ont inventé d'autres, passant ainsi de l'écriture de la lettre à l'écriture de l'œuvre, et de l'œuvre de mots à l'œuvre de soi.