L'Epître sur l'intellect occupe une place singulière dans l'histoire de la philosophie entre la naissance de la falsafa et sa consommation dans l'œuvre d'Avicenne. C'est par la philosophie arabe que le Platonisme s'est transmis aux théologiens latins, tels saint Thomas et Duns Scot, avec des suites jusqu'au 18e siècle, comme le montre Jean Jolivet :
«Avançons donc que l'opuscule farabien a contenu à un état plus ou moins explicite les thèses récurrentes du platonisme : identité de l'être et de l'intelligible, structure hiérarchique du réel, salut qui s'opère par la conversion du sensible à l'Idée ou à l'Intelligence donatrice des formes ; qu'il a été ainsi habité par les ambitions de cette philosophie mais aussi par ses illusions - celles de pouvoir rejoindre le réel par simples concepts, d'assurer par une politique de philosophes le salut d'une humanité qui pour sa majeure partie en est incapable. Plus ou moins reconnaissables, ces rêves ont duré jusqu'à ce qu'un philosophe ait remplacé la noétique par la critique, distingué l'entendement et la raison, le concept et l'idée, remplacé les «universaux pratiques», comme dit al-Fârâbî, par les impératifs de la raison. Tout un âge de la spéculation se refléterait donc dans l'Epître que l'on va lire, comme dans un miroir placé en son centre».