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Ce livre, qui constitue le tome IV de la Raison scolastique, tente d’historiciser la notion de jugement moral. La pensée médiévale et scolastique du XIIIe siècle, en quête d’une éthique spécifique et immanente, s’est émancipée de lourds tabous et a travaillé à la délégation affectée à l’homme pour la production de normes morales. Ainsi, elle a pu associer au rêve d’une symphonie des actes, autour de Thomas d’Aquin, les chants de l’individu (Chiaro de Florence, Olivi, Astesano ou Ockham). L’éthique de cette période tourne autour de la notion juridico-morale de responsabilité, qui demeure jusqu’à nos jours, et sans vraie résolution, une ligne de faîte de la vie éthique. Si le mot n’a pas été créé au Moyen Âge, la notion, sous le nom d’imputation et d’imputabilité, fut très fermement discutée. La situation de discussion restait ouverte, tant que cette notion n’était pas inscrite dans des codes. C’est une orchestration cohérente de l’éthique qui a subi le silence du formalisme scotiste, malgré un ultérieur intermède jésuite. Cette situation suscite des échos dans le monde contemporain occidental où le long cycle des jugements formels, conduisant à l’impératif catégorique (le Sollen) de Kant, fut suivi d’une réaction intense : l’éthique avait à juger singulièrement les actes humains. À ce mouvement, il faut associer la période 1860-1960 (Renouvier, Nietzsche, Freud, Arendt), à laquelle succède un nouveau formalisme. Certes, le droit est revenu absorber la morale, notamment avec une nouvelle prégnance de la responsabilité, qui réduit les conduites humaines au risque de faute. Mais l’histoire montre que d’autres retours sont possibles.