Pendant la Grande Guerre, 200 000 «Sénégalais» d'AOF ont servi la France,
plus de 135 000 sont venus combattre en Europe, 30 000 d'entre eux, soit un sur
cinq, n'ont jamais revu les leurs... Dans le malheur de la guerre, ces sacrifiés ne
le furent ni plus ni moins que leurs frères d'armes, les fantassins de la métropole.
Néanmoins, leur sacrifice constitue encore aujourd'hui un élément très sensible des
relations entre la France et l'Afrique. La «cristallisation» des pensions, autrement
dit le gel de la dette contractée par la métropole, reste au coeur du contentieux.
C'est l'histoire de cet engagement des Africains au service de la France que retrace
d'abord ce livre.
La participation des Africains à la Grande Guerre ne se borne pas à cet impôt
du sang. Profondément secouée par une série de catastrophes, sécheresse, épidémies,
disette et famine, l'Afrique occidentale française est d'abord confrontée à une
crise brutale provoquée par l'entrée en guerre : puis elle est soumise à un effort
de production sans précédent en direction de la métropole. La sortie du conflit ne
s'effectue pourtant pas dans le désastre et les révoltes généralisées ; Blaise Diagne,
seul Noir «médiatique» à l'époque, réussit même à mener à bien un tout dernier
recrutement, au-delà de toute espérance. Mais, comme le montre ce livre, une AOF
nouvelle émerge où s'enracinent des germes de protestations modernes.
Enfin, la Grande Guerre a modifié de façon plutôt positive les regards réciproques
entre Africains et Français ; mais elle a aussi ouvert la voie à un infâme
réquisitoire de «la Honte Noire» («die schwarze Schande», récupéré dans l'arsenal
du racisme hitlérien. C'est aussi la genèse d'un imaginaire empoisonné que
veut éclairer ce livre.