«Il y avait dans l'oratoire de la comtesse
de Maraña un tableau qui représentait les
tourments du purgatoire. Tous les genres
de supplices dont le peintre avait pu s'aviser
s'y trouvaient représentés avec tant d'exactitude
que le tortionnaire de l'Inquisition
n'y aurait rien trouvé à reprendre. [...] Le
petit Juan, toutes les fois qu'il entrait chez
sa mère, demeurait longtemps immobile en
contemplation devant ce tableau qui l'effrayait
et le captivait à la fois. Surtout, il ne
pouvait détacher ses yeux d'un homme dont
un serpent paraissait ronger les entrailles
pendant qu'il était suspendu au-dessus d'un
brasier ardent au moyen d'hameçons de fer
qui l'accrochaient par les côtes...»
C'est à trente et un ans que Prosper Mérimée
compose ce récit, version personnelle
du mythe de Don Juan. L'éclat de la couleur
locale, les rebondissements de l'intrigue
- duels, sérénades, coups de théâtre - en font
l'un des morceaux de bravoure de l'«espagnolisme»
romantique. Mais ce qui donne à cet
alerte récit toute sa grâce, c'est surtout la subtile
ironie d'un esprit affranchi des croyances,
qui sait composer avec les ressources du surnaturel
le plus singulier dénouement.