Les années de sang
Avec les poilus d'un village du Quercy
« Alors, je rêvais encore et encore de revoir mon clocher, oui, j en rêvais dans le noir, en file indienne dans le boyau lors des relèves, quand il fallait y repartir, heurtant les morts, glissant dans les trous d'obus gorgés d'eau, et inlassablement la voix du caporal : "Serrez les rangs !" J'en rêvais en partant à l'assaut avec un grand coup de gniole dans le bide. "Tu aimeras ton prochain comme toi-même, répète Médéric, tu aimeras..." Ah, mon bon curé Combelles, si tu me voyais... Il était là, en face de moi, le prochain et j'avais simplement envie de lui balancer des grenades, au prochain, de lui fendre la gueule, de le trucider vite fait, le prochain, sans un mot, sans explication, en silence, parce qu'on était là pour ça, pour lui trouer la panse d'un grand coup de Rosalie. J'avais la rage pour en finir au plus vite, revenir au pays et revoir ma famille, mes gamines, et parce que Dufour y était passé comme déjà neuf copains avec qui je ne jouerais plus jamais aux cartes, et parce que nous savions que d'autres allaient disparaître et que nous pourrions bien être du nombre...
"Désobéir à ses chefs, c'est désobéir à Dieu lui-même, car le chef tient la place de Dieu...", nous affirmait également le curé Combelles de sa voix rocailleuse qui nous impressionnait. De toute façon, nous n'avions pas le choix. »
Dans son 36e livre, l'auteur relate les épreuves d'un village du Quercy pendant la guerre. Il a pu recueillir une documentation et des témoignages rares.