Les années manquantes
Les années manquantes, ce sont celles qui ont suivi mon arrivée en Métropole, à l'âge de treize ans, et dont longtemps je n'ai pas voulu me souvenir. La période où je vivais seul, dans la maison de Thuir, avec Joséphine, la grand-mère catalane, infiniment pieuse, éprise de calvaires et de processions, à laquelle les parents m'avaient confié avant de repartir en Algérie ; Noël, le fils qu'elle adorait, l'officier démobilisé, abîmé par les guerres perdues, qui, très ivre, venait s'abattre dans ses bras après ses nuits passées au Lydia, où il m'entraînait parfois. Et puis les mois après la mort de Joséphine, où je ne savais où aller, l'appartement de Perpignan devenu un ring où les parents, désaccordés depuis toujours, se déchiraient à leur retour. Il fallait que je m'en sorte.