« Sans doute Louis XIV n’avait pas tort de voir dans le Télémaque la condamnation de sa politique ; mais il ne faudrait pas croire que Fénelon ait eu pour but de faire des portraits satiriques du roi et de tel ou tel de ses ministres. C’est une imputation qu’il a toujours, jusqu’à son lit de mort, désavouée comme une calomnie ; et il mérite d’être cru, lorsqu’il dit dans un mémoire manuscrit daté de 1710, et adressé au P. Letellier, confesseur du roi : “Il aurait fallu que j’eusse été non-seulement l’homme le plus ingrat, mais encore le plus insensé, pour vouloir faire dans le Télémaque des portraits satiriques et insolents. J’ai horreur de la seule pensée d’un tel dessein. C’est une narration faite à la hâte, à morceaux détachés.... Je n’ai jamais songé qu’à amuser le duc de Bourgogne par ces aventures, et à l’instruire en l’amusant, sans jamais vouloir donner cet ouvrage au public. Tout le monde sait qu’il ne m’a échappé que par l’infidélité d’un copiste. J’ai mis dans ces aventures toutes les vérités nécessaires pour le gouvernement, et tous les défauts qu’on peut avoir dans la puissance souveraine, mais je n’en ai marqué aucun avec une affectation qui tende à aucun portrait ni caractère ; plus ou lira cet ouvrage, plus on verra que j’ai voulu dire tout, sans vouloir peindre personne de suite.” Le véritable dessein de Fénelon, en composant le Télémaque, c’était de donner à un jeune prince, qui pouvait être appelé au trône, des conseils sur l’art de régner : or Fénelon n’avait pas tout à fait sur cet art les mêmes idées que Louis XIV et Bossuet. »