Les bas-fond du rêve
Coups d'éclat et coups de gueule, joutes pour rire qui débouchent sur la mort, feux de la rampe braqués l'espace d'un soir sur un champion déchu, une courtisane défraîchie : les personnages de Juan Carlos Onetti sont ceux des tangos populaires que l'on fredonne en Uruguay, en Argentine. Minables héros d'une aventure frelatée avant d'être vécue, ils ont pour rendez-vous Santa María.
Santa María : c'est dans cette ville imaginaire, quintessence de la vie provinciale, que se déroulent la plupart des romans et des nouvelles qu'Onetti a écrits tout au long de sa vie.
Santa María : labyrinthe parcouru de fantômes voraces, hanté de rêves sordides, paradis des affaires véreuses, carrefour des tripots, terre promise de la supercherie, glorieuse de désirs inassouvis qui tuent ses habitants aussi sûrement que l'alcool qui y coule à flots.
Santa María, c'est Montevideo ou Buenos Aires, où échouent les errants du monde entier en quête de fortune, d'identité, d'oubli.
Écoutez cette voix poignante qui raconte avec une pitié pudique et une pointe d'humour noir l'angoisse quotidienne, le spleen et les médiocres joies du petit peuple : elle colle à la mémoire comme un air de bandonéon.