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L’odyssée des migrants en Méditerranée « Trente-cinq ans que je cours le monde et ses tourments. La première fois que j’ai vu l’exode d’une population, en dehors d’une guerre, c’était les boat-people qui fuyaient le régime d’Hanoï. Des jonques en bambou sur la Mer de Chine, les naufrages, tous les éléments étaient déjà là. Mais ces migrants étaient des réfugiés politiques et le monde les regardait d’un œil bienveillant et attentif. Avec le temps, l’exode des migrants n’est plus devenu un phénomène exceptionnel. Et le monde s’est lassé. J’ai suivi les barques, les pateras qui affrontaient le détroit de Gibraltar, les pirogues de la mort pour les Canaries, les zodiacs de Turquie vers l’île grecque de Lesbos, le flot des épaves vers le Canal de Sicile. Jusqu’à Lampedusa, caillou submergé par le flux. J’ai suivi le sillage de ces bateaux ivres, sur mer et sur terre, dès leur point de départ, un village subsaharien, un désert érythréen de la corne de l’Afrique, une capitale arabe, une montagne d’Afghanistan ou de Syrie. Je voulais faire le récit choral de ces centaines de milliers d’hommes et de femmes qui ne voient qu’une seule issue, partir, pour la grande traversée, à travers notre mer, la méditerranée. Nous, Européens, nous hésitons toujours, entre aveuglement volontaire, compassion et répression. Sans parvenir à définir une attitude réaliste, une politique commune. Pendant ce temps-là, ils partent. Avec la force des désespérés ou des conquérants. Et rien ne les arrêtera. » Jean-Paul Mari