L'automne est, par excellence, la saison du schlittage : il réunit les conditions de température qu'exige ce rude labeur. Les premiers flocons de neige arrêtent les traîneaux. Les conducteurs rentrent alors définitivement chez eux, car l'hiver ne ménage point les montagnes. Ils font, pour gagner leur subsistance, quelques travaux secondaires : ils tissent des rubans de fil, taillent des sabots, des cuillers de bois, fabriquent des salières, des jouets d'enfants, des boîtes à fromage et des boîtes de baptême. Cependant la neige s'accumule au dehors ; elle efface les routes, elle assiège les maisons. Le vent hurle dans les bois, dans les vallées, déracine quelquefois les arbres. Emprisonnés sous la glace, les torrents ne gémissent même plus. Les sapins chargés de frimas se dressent partout comme des légions de fantômes. Si un rayon de soleil fond la première couche de neige qui alourdit leurs rameaux, elle gèle par-dessous en longues stalactites, aussi transparentes que le cristal. La forêt tout entière semble verser des pleurs. C'est un spectacle d'une tristesse et d'une majesté infinies, l'emblème d'un désespoir sans bornes. Il nous conseille de fuir au plus vite la montagne : laissons le schlitteur bourrer son poêle et rentrons dans nos villes, moins maltraitées par l'inclémence du ciel.