J'ai pillé les greniers de notre Mémoire.
J'ai accumulé les cahiers des humbles et, avec modestie
et prudence, je vous en livre quelques-uns avec l'espoir que
leur lecture vous mettra en nostalgie de l'humanité un peu
rude des gens de la terre et du merveilleux des contes et
légendes des veillées d'autrefois.
Je sais d'où je viens.
Je ne sais pas toujours où je suis.
Et comme vous, sans doute, je ne sais pas où nous allons.
Nos anciens, partis en éternité, savaient d'où ils
venaient : d'un passé où la terre était dure aux hommes.
Ils savaient où ils étaient : dans des époques où, avec
humilité et conviction à la fois, ils se battaient pour une terre
plus douce, espérant que leurs enfants, un jour, l'apprivoiseraient
pleinement.
Or, les enfants ont oublié cela.
Écrire sur la Mémoire, c'est protester contre cette amnésie,
demander pardon à toutes celles et à tous ceux qui ont
voulu pour nous une vie à hauteur de coeur, rêvé d'un monde
qui ne serait ni vide ni absurde et espéré que l'âme populaire
ne serait jamais une âme morte.